Depuis quelques mois, nous assistons au succès du lancement du concept de l’auto-entrepreneur, basé essentiellement sur une modification à la marge du statut existant depuis plusieurs années de la micro-entreprise. Un statut de micro-entreprise adapté pour une très petite activité qui intéresse souvent des personnes en recherche emploi qui ont l’ambition de créer une entreprise individuelle.
Mais d’où vient cet engouement soudain des salariés (actifs ou pas) pour la micro-entreprise ?
En fait, ne nous trompons pas de termes : ce n’est pas la « micro-entreprise » qui intéresse les salariés, mais « l’auto-entreprise ». Qu’une question de vocabulaire me direz-vous ? OUI et tout ou presque est là :
les mots sont des symboles qui supposent une représentation partagée, en l’occurrence un nouveau paradigme de société est en marche.
D’un ancien paradigme vers un nouveau
En effet, notre société française a depuis longtemps opposé dans son imaginaire collectif, entrepreneurs et salariés. Un clivage qui tient d’un paradigme sociétal lié, pour faire simple, à une approche du fonctionnement de notre société sous forme de lutte de classes.
Une représentation si prégnante de deux mondes séparés, qu’elle est évidemment trop souvent confirmée dans la réalité, des deux côtés de cette barrière imaginaire :
Du côté des entrepreneurs qui trop souvent « luttent » pour que leurs salariés tiennent mieux compte des contraintes de rentabilités du projet d’entreprise. Ils le font dans le cadre de l’application de la relation de subordination des salariés, notamment concrétisée par un contrat de travail.
Du côté des salariés qui trop souvent « luttent » pour que le chef d’entreprise tienne mieux compte de la rentabilité de son activité pour le projet de l’entreprise. Ils le font dans le même cadre que les entrepreneurs mais de l’autre côté de la barrière cette fois.
Ainsi dans ses postures guerrières qui ne laisse que peu de place au dialogue pour travailler ensemble, chacun essaie de tirer la couverture à lui sans vraiment chercher à bien comprendre l’autre dans un même but partagé.
En effet, à la lecture d’un contrat de travail, on voit avec difficulté l’expression de l’enjeu commun, pourtant essentiel aux deux partis : le lien entre le poste lié au contrat de travail et le projet d’entreprise !
D’une lutte vers une autre basée sur de nouvelles représentations
Aussi peut-on voir dans le train de mesures politiquement marketées avec efficacité par le gouvernement français autour de l’imaginaire de « l’auto-entreprise », un pont possible entre ces deux côtés de la barrière :
- Du côté des salariés (actifs ou pas) :
Un pas vers une meilleure compréhension de l’esprit d’entreprise et du métier d’entrepreneur qui consiste à faire vivre et développer un projet d’entreprise. Une compréhension qui passera par un apprentissage de la gestion de nouvelles formes de risques jusque là camouflées par le confort trompeur du statut de salarié, avec son train de dispositifs sociaux pas toujours bien compris. Une meilleure compréhension de la gestion de risques qui peut permettre au salarié de voir que les luttes à mener sont surtout pour le soutien d’un projet d’entreprise efficace, réussi. - Du côté des entrepreneurs :
Un pas vers une meilleure compréhension de l’enjeu délicat de la subordination. C’est en réalisant que ses salariés peuvent avoir eux aussi une démarche de projet d’entreprise qu’ils peuvent réfléchir à comment mieux servir leur propre projet d’entreprise en tenant compte des ambitions de leur salariés : en effet, le chef d’entreprise ne doit pas sous-estimer le moteur extrêmement puissant qu’est la prise en compte des ambitions du salarié en adéquation avec la gestion d’un projet d’entreprise qui, s’il n’est pas suffisamment partagé, risque de rester lettre morte, ou tout au moins difficile à faire vivre sans trop de luttes …